Dans une usine ravagée par les bombardements, Alfa Romeo ne reprit la production automobile qu’en 1947, la 2500 C d’avant-guerre soutenant l’activité de la marque jusqu’en 1952. La première offre nouvelle de la firme dans la période de l’après-guerre apparut en 1950. Conçue par le Dr Orazio Satta Puliga et destinée à être produite en masse, la 1900 fut la première Alfa dotée d’une structure monocoque et, fidèle à son héritage sportif, d’un moteur à double arbres à cames en tête. Moteur à quatre cylindres, ce dernier déplaçait 1 884 cc et délivrait 90 ch, puissance qui suffisait à propulser la voiture jusqu’à 168 km/h.

Malgré une apparence de bonne berline familiale, la 1900 fut doté d’un caractère sportif qui allait bien au-delà de son genre de moteur, les propriétaires profitant des avantages d’une suspension avant indépendantes par triangles et ressorts hélicoïdaux et d’un pont arrière rigide, mais très bien guidé. Personne ne fut donc étonné lorsque le potentiel de la 1900 se concrétisa sous la forme de deux dérivés à haute performance. Lancée en 1951, la 1900 C Sprint se distingua par des carrosseries signées Pinin Farina (cabriolet) et Touring (coupé), deux modèles qui bénéficiaient du moteur de 100 ch de la berline sport 1900 TI. La version Sprint Coupé de Touring séduisit tellement le public qu’elle fut ensuite adoptée comme base de tous les futurs coupés « aérodynamiques » Alfa Romeo. La jolie petite Giulietta qui affiche une ressemblance évidente en est une descendante directe.

La Sprint Coupé fut conçue pour offrir des performances sportives en même temps qu’une configuration « 2+2 » – appréciée par les amateurs de conduite sportive en famille – tandis que la petite calandre verticale en forme de cœur placée entre deux ouvertures horizontales devenait la marque d’Alfa Romeo pour ses futurs modèles. En juin 1954, le moteur fut porté à 1 975 cc et le modèle redésigné « Super Sprint ». Avec 115 ch sous le pied et dotées d’un excellent rapport puissance-poids grâce à une caisse en aluminium, ces voitures qui pouvaient atteindre 190 km/h brillèrent en compétition. Au total 949 Sprint et 854 Super Sprint avaient vu le jour lorsque la production fut arrêtée.

Cet exemplaire issu d’une production très limitée (5 exemplaires de ce Coupe Lugano Ghia-Aigle imaginé par Giovanni Michelotti ont été produits entre 1957 et 1959.) d’un modèle phare d’une marque parmi les plus appréciées est habillé d’une audacieuse carrosserie de Carrosserie Ghia, Aigle en Suisse, firme issue de la célèbre entreprise de carrosserie italienne. Fondée le 30 avril 1948 sous la raison sociale Carrosserie Ghia SA, Aigle par le Dr Pierre-Paul Filippi, un médecin turinois, l’entreprise construisit en Suisse des modèles conçus par Ghia. La Carrozzeria Ghia de Turin appartenait à l’époque à Mario Boano qui dessina les premiers modèles produits après la guerre avant de passer le relais à Giovanni Michelotti puis à Pietro Frua.

En septembre 1954, la firme déménagea d’Aigle à Locarno où elle demeura jusqu’en avril 1958 avant de retourner à Aigle. Ghia, Aigle se montra très éclectique dans le choix de ses châssis en carrossant des Delahaye, Mercedes-Benz, Citroën, Jaguar, Jowett, FIAT, Bugatti, Lancia, MG, Singer, Panhard, Austin-Healey, Bristol, Ferrari, Opel, Volkswagen, Renault, BMW, une grande variété de marques américaines et, naturellement, Alfa-Romeo. L’activité principale de carrosserie hors-série s’éteignit au début des années 1960, l’entreprise se consacrant à la réparation puis à la construction d’ambulances, de fourgons de déménagement et autres véhicules commerciaux. Elle fut mise en liquidation au milieu des années 1980.

Ce coupé Lugano (châssis AR1900C 10439) est l’une des cinq Alfa Romeo carrossées par Carrosserie Ghia, Aigle en Suisse.

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