La Bentley Type R Continental est certes née en Angleterre, mais c’est en France qu’elle a appris à atteindre des performances élevées. En particulier sur « l’Indianapolis français », le fameux ovale de l’Autodrome de Linas-Montlhéry.

C’est là, en septembre 1951, que s’est rendu un prototype de Continental. Dérivé de la Type R, il comportait une carburation et des collecteurs différents, un rapport de pont plus long et des rapports de boîte rapprochés. Et surtout, la carrosserie était allégée, avec 225 kg de moins que la version standard. Typique de Bentley à cette époque, les modifications étaient effectuées par petites touches, mais elles se sont montrées efficaces. Sur le circuit de Montlhéry, la Continental atteignait 192 km/h, soit plus de trois km couverts en une minute. C’était, comme le soulignerait ensuite le constructeur, la quatre-places la plus rapide du monde.

A quelque 30 km de Montlhéry, dans la Ville Lumière, le long de la Seine, le fameux carrossier Marius Franay ne restait pas indifférent à ces performances. La Bentley Continental, comme l’a indiqué un autre constructeur britannique, avait pour elle grace, space, and pace [l’élégance, l’espace intérieur et les performances] mais, avec la collaboration de Franay, elle présentait en plus une irrésistible séduction. Seuls cinq châssis Continental ont été produits en France, et la signature de Marius Franay était décelable sur chacune de ces voitures.

La Continental reprend le cadre classique en échelle de la Type R normale, mais reçoit ensuite une carrosserie avec une structure en acier et des pièces de carrosserie en aluminium, généralement créée par H.J. Mulliner lorsqu’il s’agissait encore d’une société indépendante. Avec sa forme de ponton et son hayon, elle se distingue nettement de la Type R. Sur le plan optique, elle s’inspire de ses concurrentes. D’un point de vue optique, elle s’inspirait de concurrentes comme la Cadillac 62 Coupé ou la Bentley Mark VI Cresta, dessinée par Pininfarina et produite environ 17 fois chez Facel en France. Les roues arrière de la Continental de type R sont ouvertes, mais peuvent être commandées avec des protections plus aérodynamiques. Jusqu’en 1954, il n’était pas possible de commander des châssis nus et de les envoyer à des carrossiers indépendants. Par la suite, cinq coupés et un cabriolet ont été produits par Park Ward, trois voitures ont été construites par Graber en Suisse et une par Pininfarina et James Young. En outre, cinq voitures ont été construites par le carrossier Franay à Paris dont trois avec le design fastback de cette auto. Au total, seules 207 Bentley R-Type Continental ont été produites avant que l’entreprise de Crewe ne passe à la nouvelle S-Type.

La voiture présentée ici est l’un des trois exemplaires fastback signé Franay. Le numéro de châssis BC51LC a été expédié en France sur le SS Deal le 21 décembre 1953, puis transporté chez Franay à Paris. L’assemblage de la carrosserie, y compris les équipements optionnels commandés (autoradio, conduite à gauche et levier de vitesse sur le tunnel central), a duré environ cinq mois.
Visuellement, le coupé Fastback ressemble clairement aux modèles Mulliner, avec des ailes arrière plus allongées, et n’a été produit qu’à trois reprises, dont deux fois avec la conduite à gauche. Ensuite, la Bentley a pu être livrée par l’importateur français Franco Britannic Automobiles Ltd. au premier propriétaire, le magnat du textile Edouard Vandendriessche de Saint-Quentin. Il garda la Continental pendant neuf ans et la vendit ensuite, par l’intermédiaire de Franco Britannic, au professeur de lycée parisien Farnham Rehfisch. Après seulement trois mois, il vend la voiture au médecin Pierre Mauranges à St Cloud, en banlieue parisienne. En 1965, le fan de Bentley DJ Smith l’a exportée aux États-Unis et l’a conservée pendant les 12 années suivantes.

Cette auto (châssis BC51LC) a été adjugé 700 000 € à Monte  Carlo en 2014.