Lancée en mars 1970, la SM est née de la volonté de Citroën de développer une voiture de grand tourisme basée sur la DS.

Après la mort de Facel, la France entière déplore l’absence d’une voiture de sport haut de gamme portant ses couleurs. Qu’à cela ne tienne : Citroën décide de relever cet ambitieux défi.

Dans les années 1960, la marque Quai de Javel maintient sa domination sur la voie de gauche des autoroutes avec la DS, la berline la plus luxueuse de France. Grâce à sa suspension oléopneumatique, elle présente des qualités routières exceptionnelles, et la presse ne lui reproche qu’une chose : son moteur manquant de puissance pour pouvoir se mesurer d’égale à égale avec les marques étrangères les plus en vue. Or en décembre 1967, Citroën fait l’acquisition de 60% des actions de Maserati et confirme son intérêt pour adopter un moteur venant de la marque au trident pour animer sa future voiture de sport. L’ingénieur Giulio Alfieri réalise un six-cylindres en V dérivé du V8 de la Maserati Indy. Il comporte quatre ACT et sa cylindrée s’établit à 2 760 cc, pour éviter la « supervignette » qui pénalise les voitures de plus de 2,8 litres. Avec trois carburateurs Weber, ce moteur développe 170 ch et offre la souplesse que l’on attend d’une voiture de luxe. Citroën a donc son moteur. Pour le reste, le constructeur est parfaitement à l’aise et reprend les solutions en vigueur sur la DS, à base de circuit hydraulique sous pression, en les poussant encore plus loin avec l’adoption de la direction assistée Diravi imaginée par l’ingénieur Paul Magès, déjà metteur au point de la suspension oléopneumatique de la DS. La forme complètement inédite de la SM est dictée par les lois de l’aérodynamique et l’avant spectaculaire affiche son ambition avec une batterie de six projecteurs sous une verrière profilée.

Dès sa présentation au Salon de Genève 1970, les qualités de la nouvelle Citroën sont saluées par la presse spécialisée et les automobilistes français ont enfin une voiture capable de tenir tête aux berlines allemandes ou britanniques. Les premiers chiffres sont encourageants puisque la voiture atteint 5 000 exemplaires commercialisés en 1971, et la SM va même se distinguer en compétition, avec une victoire au Rallye du Maroc en 1971. Mais le monde bouge et les circonstances changent. La crise du pétrole, au début des années 1970, met un coup brutal à la période d’euphorie commencée au lendemain de la guerre. Par ailleurs, le réseau Citroën est mal armé pour vendre une voiture du niveau de la SM. Enfin, la reprise de Citroën par Peugeot apporte en 1975 le coup de grâce à cette automobile prometteuse. Amer, le constructeur aux chevrons annonce comme épitaphe : « Née de la vitesse, la SM est morte avec la vitesse. »

Haut de gamme français, la SM a connu quelques carrosserie spéciales, dont plusieurs signées Henri Chapron. Ce carrossier qui ouvre son premier atelier en 1919 à Neuilly-sur-Seine accompagne le développement de l’automobile jusqu’à la seconde guerre mondiale. Chapron habille à l’époque des marques extrêmement variées, employant jusqu’à 350 personnes à la fin des années 1920. La crise de 1929 va toutefois ralentir l’activité et, à partir des années 1930, Chapron fournit des carrosseries principalement pour Delahaye et Delage, dans un style assez classique et toujours très élégant et équilibré. Après la guerre, Chapron subit le déclin des grandes marques françaises et doit se reconvertir. Après avoir tenté des transformations ponctuelles, il trouve une nouvelle voie avec une collaboration avec Citroën, en produisant les cabriolets DS et en proposant ses propres versions, élégamment dessinées et luxueusement équipées.

Ayant ses entrées chez Citroën, il est donc logique qu’il s’intéresse à la nouvelle SM. Au Salon de Paris 1971, il présente sa première transformation, le cabriolet « Mylord ». Reprenant le dessin d’origine de la voiture, il renforce la caisse, aménage un coffre classique et couvre l’habitacle d’une capote. Très élégant, ce cabriolet peut transporter quatre personnes dans le confort le plus absolu. Il est amusant de souligner que, lors de ce même Salon, Heuliez présente sa version « Espace » de la SM, à toit ouvrant en deux parties, ce qui prouve l’attrait que constitue alors ce haut de gamme français pour les carrossiers. Mais le principal ennemi du cabriolet Mylord sera son prix : à 130 000 francs en 1973, il vaut plus du double d’une SM normale, et presque autant qu’une Ferrari Daytona. Les acheteurs ne se précipitent pas et le projet reste donc sans suite. Le nombre d’exemplaires produits n’est pas connu avec certitude, mais aujourd’hui les spécialistes s’accordent généralement sur cinq voitures, dont une aurait été détruite par un incendie.

Après la Mylord, Chapron va produire deux autres dérivées de la SM : la berline Opéra, présentée en 1972 et, la même année, des versions présidentielles quatre portes décapotables. Ces voitures sur base SM sont les dernières véritables créations des ateliers Chapron. Ensuite, le carrossier se contentera d’aménagements spéciaux (sur CX et 604 notamment), avant de mettre la clé sous la porte en 1985, sept ans après le décès d’Henri Chapron.

Cette sublime SM cabriolet quatre places (châssi 00SC2789), dont « Mylord » est la dénomination commerciale, est exceptionnelle, sinon unique puisqu’elle a passé sa vie entre les mains de la même famille. Selon Noëlle Chapron, il s’agirait de l’ultime SM Mylord construite, déjà lors du salon de Paris 1973, non vendu, il fut exposé de nouveau…

Lors du Salon de Paris d’octobre 1975, M. Jean Allais, concessionnaire Citroën à Colmar, découvre cette Mylord en exposition sur le stand Chapron. Elle est finie dans un ton gris taupe assez triste. Sur les conseils de son épouse, son mari fait changer la couleur par les Ateliers Henri Chapron. Dès la fin du Salon, la Mylord repart pour être repeinte dans le coloris qu’elle présente aujourd’hui, « Or Byzantin », tiré du nuancier proposé par le carrossier. Pour l’anecdote, il s’agirait d’un nuancier très inspiré des teintes Mercedes Benz.

L’heureux propriétaire immatricule la belle le 19 décembre 1975 sous le numéro 7687 QR 68, à Colmar. Il s’en servira en famille de manière épisodique pour rejoindre sa maison de vacances sur la Côte d’Azur. Évidemment, la SM est entretenue par les ateliers de sa propre concession Citroën de Colmar.

Après la disparition de Jean Allais en 2000, son épouse en hérite et la carte grise est transférée à son nom. Un de ses petits-fils, ayant partagé la même histoire d’amour pour cette voiture, en prend le plus grand soin pour soulager sa grand-mère des soucis d’entretien. Depuis 2000, il assure tout ce qui est nécessaire pour conserver et faire vivre cette superbe SM Mylord dans des conditions optimales de fonctionnement et d’état. Depuis 2000, la voiture est entretenue par l’excellent spécialiste DS et SM, Guy Stoeckel. Entre 2007 et 2009, il remet la SM à jour, en refaisant l’électricité et l’hydraulique, en fiabilisant la mécanique, en éliminant les défauts dus au temps, y compris en carrosserie où quelques légers points sont revus. Parallèlement la capote, séchée par le temps, donc fragile et cassante, est remplacée par le sellier Laurent Reinhart, travaillant pour de nombreux musées et collectionneurs avertis.

Aujourd’hui, cette automobile à l’élégance rare, se présente dans des conditions optimales à tous points de vue. Elle est accompagnée de toute une documentation d’époque, de la correspondance entre Chapron et Jean Allais, depuis les manuels de la SM, jusqu’au dessin technique de la Mylord par Henri Chapron et au procès-verbal de réception aux Mines des Mylord. De plus, deux valises d’origine en cuir noir livrées à l’époque avec la voiture ont été conservées.

Rouler dans cette SM Mylord est un privilège unique. Son élégance est un hymne à ce qui se faisait de mieux en France à l’époque. Certains disent que la Facel Vega est la dernière marque de luxe française ; ceux-là n’ont jamais caressé du regard une SM Mylord. Ses sièges au design 70’s tellement représentatifs d’une époque, gainés de cuir havane, vous invitent à déguster le voyage et à oublier vos habitudes. Le profil de ce cabriolet exclusif, qu’il soit capoté ou décapoté, transpire la fluidité et symbolise la sportivité.

Cette exceptionnelle GT française a été adjugée 548 320 € en 2014 à Paris.

La plus pure des SM Mylord n’a jamais quitté le territoire français et toujours merveilleusement entretenue. Cette automobile est LA dernière automobile de grand luxe française, communion entre Citroën, la marque la plus innovante et Henri Chapron, un des plus célèbres carrossiers, sur la base de la SM, la plus italienne des GT françaises.