Jean Daninos fonde les Forges et Ateliers de Construction d’Eure-et-Loir (FACEL) en 1939, mais il faut attendre 1954 et le lancement de la Vega pour que l’entreprise devienne un constructeur automobile à part entière. Suivront la HK500 et l’Excellence quatre portes, mais ce n’est qu’avec l’arrivée de la Facel II que la gamme atteindra son apogée stylistique. Plus légère, plus basse, plus rapide et nettement plus élégante que ses devancières, la Facel II est largement considérée comme la plus grande création de Daninos.

Présentée au salon de Paris en octobre 1961, la Facel II inaugure la nouvelle ligne de la marque. C’est peu dire qu’elle reçoit un accueil enthousiaste. D’aucuns parlent d’elle comme la plus belle voiture française de l’après-guerre. On n’est pas loin de la vérité. La nouveau-née est un chef-d’œuvre. Quel que soit l’angle où on l’observe, la Facel II fait admirer son esthétique saisissante. Digne des créations des meilleurs stylistes italiens, sa carrosserie longue et basse, à ligne pure et élancée, relègue loin derrière elle les formes massives de la HK 500.

Saluée comme un retour à la grande tradition française de la carrosserie, l’histoire de la Facel II commence avec le châssis HK2 A099, construit comme prototype en 1959 – deux ans avant le lancement du modèle – et qui a servi de précurseur aux 183 exemplaires de série qui allaient suivre. Non seulement le prototype était un ordre de grandeur plus sportif que le HK500 sur lequel il était basé, mais il différait aussi considérablement de la Facel II de série. Il présentait un style coupé élégant avec un panneau arrière en tôle, un toit plus court, un vitrage sur mesure et une face avant attrayante avec des phares séparés.

Son élégance, la Facel II la doit notamment à son superbe pavillon ramassé, qui confère à la voiture une silhouette ultra sportive. De plus, grâce à ses surfaces vitrées particulièrement généreuses, il fait de la Facel II un coupé étonnamment lumineux. Tout concourt à cette réussite : les montants, d’une grande finesse, comme la lunette arrière aux dimensions impressionnantes, et qui, dépourvue de panneau de custode, se raccorde directement aux vitres latérales. Quant à l’immense pare-brise fortement incliné, il est heureusement dépourvu de retour vers l’arrière comme l’était celui des FV 2, FV 3 et HK 500. La Facel II reçoit également de nouveaux phares profilés aux blocs verticaux, les Mégalux créés par Marchal. Egalement montés sur la Facellia F2 à partir du salon 1961, ils s’inspirent des globes lancés en 1959 par Mercedes sur les 220 S et 220 SE W 111.

Paré de cuir Connolly, l’habitacle offre le raffinement habituel des Facel V8, même si, en termes d’espace, les passagers des places arrière font quelque peu les frais de l’évolution du design. Sur l’extraordinaire planche de bord, seuls le compte-tours et le tachymètre font face au conducteur. Surmontés d’un autoradio Gründig, six cadrans prennent place au centre, dans le prolongement de la console : ampèremètre, montre, thermomètres d’eau et d’huile, jauge d’essence et manomètre de pression d’huile.

La Facel II hérite d’un V8 Chrysler encore plus puissant, le Typhoon TY 8 de 6,3 litres, qui équipe également l’Excellence EX 2. Gavé par deux carburateurs quadruple corps, il développe 390 ch SAE lorsqu’il est accouplé à la boîte de vitesses mécanique Pont-à-Mousson à quatre rapports. Avec la transmission automatique Chrysler Torqueflite à trois vitesses, la cavalerie est limitée, si l’on peut dire, à 355 ch (un seul carburateur quadruple corps). Ainsi gréée, la Facel II approche les 240 km/h, grâce auxquels elle demeure, en ce début des années soixante, le coupé le plus rapide du monde : 240 km/h et le 0 à 100 km/h abattu en 7,5 secondes.

Quatre disques assistés Dunlop ne sont pas de trop pour arrêter cette merveille de deux tonnes (à pleine charge) aux performances hors du commun. Côté châssis, si on retrouve les classiques longerons tubulaires, on regrette le caractère archaïque de la suspension arrière, son essieu rigide et ses ressorts à lames, plus à leur place sur un inconfortable roadster anglais que sur une machine de cette classe.

Proposé à 60 000 francs, soit quatre fois le prix d’une DS, ce somptueux bolide sera produit à 180 exemplaires jusqu’en 1964. Il sera pour l’essentiel exporté, acquis par des clients prestigieux parmi lesquels on remarque le Shah d’Iran et Ringo Star… Le marché américain constituera son principal débouché, où, pour des raisons réglementaires, il devra abandonner ses phares Mégalux pour quatre projecteurs ronds et banaux.

Point d’orgue de l’histoire de la marque, la dernière Facel est aussi la plus belle des voitures dessinées par Jean Daninos. Un magnifique chant du cygne qui demeurera la dernière des grandes classiques françaises.

Le châssis HK2 A099 a été fini dans la combinaison intemporelle de Noire sur Noire, équipé de la boîte de vitesses manuelle à quatre rapports Pont-à-Mousson. Construite vraisemblablement en 1959, la voiture a passé sa première vie à l’abri des regards avant d’être immatriculée pour la première fois le 16 février 1965 au nom du fondateur de la société, Jean Daninos, quelques mois seulement après la fermeture définitive des portes de l’usine. La voiture est passée entre les mains de cinq autres propriétaires, avant de rester en propriété unique de 1987 à janvier 2020, date à laquelle elle a été vendue à l’expéditeur.

Ce premier prototype de la légendaire Facel II à carrosserie unique a fait l’objet d’une restauration minutieuse entre 2020 et 2022.
La voiture est estimée entre 700 000 et 1 000 000 €.