En Janvier 1950, Jean Daninos qui roulait alors en Bentley grâce à ses liens privilégiés avec les dirigeants de la firme de Crewe, lui permettaient de disposer de plusieurs châssis de Mark VI qui furent carrossés par Pininfarina sur un de ses dessins. 13 exemplaires de cette Bentley Cresta furent ainsi produits. En Janvier 1950, il commande un ultime châssis de Bentley qu’il habille d’une carrosserie entièrement nouvelle, fruit de ses propres dessins. Ce sera l’unique Bentley Cresta II sur laquelle on devine les prémices du style de ses futures créations.
C’est à partir de 1951 que Jean Daninos songe à produire sa propre voiture. Une première ébauche de carrosserie est réalisée sous la forme d’un roadster muni d’un moteur six cylindres Hotchkiss, le tout monté sur un châssis Allard. Mais face au résultat décevant, le développement est stoppé et les pièces restituées aux fournisseurs.
Jean Daninos décide alors de produire une « vraie Facel » et après avoir approché Bugatti, Delahaye, Talbot et Alfa Romeo pour la fourniture de moteur, il fait intervenir ses contacts américains pour rencontrer C.B. Thomas, Vice-Président de la Chrysler Corp en charge de l’export, qui donne son aval pour la fourniture d’un moteur V8.
Pierre Daninos, son frère, le célèbre écrivain des « Carnets du Major Thomson », lui suggère le nom de Vega, la quatrième des étoiles les plus brillantes du système solaire, comme il l’avait fait pour la Ford Comète auparavant.
La carrosserie est un coach, une évolution de la Cresta II. Le pavillon et la calandre rappellent la Bentley et le pare-brise est d’ailleurs commun aux deux autos. Le premier moteur est importé quasi-clandestinement par Jean Daninos, pour gagner du temps. C’est un V8 de Soto (à culasses hémisphériques) de 4 528 cc qui délivre 180 chevaux. Dès juin 1952, le châssis et la carrosserie sont mis en chantier sous la responsabilité de MM Brasseur et Dumas dans l’atelier des prototypes Facel.
Le Prototype est doté d’un châssis tubulaire novateur pour l’époque, les tubes de grand diamètre garantissant une très grande rigidité; pratiquement indéformable il est étudié pour obtenir une tenue de route parfaite avec un centrage approprié. La boîte 4 vitesses est une Pont à Mousson, synchronisée sur les quatre rapports et montée de façon inclinée vers le conducteur pour une meilleure maniabilité. Jean Daninos fait le choix d’un empattement court (2510 mm au lieu de 2630 mm pour les Facel de production), d’une suspension avant indépendante à ressorts hélicoïdaux et d’une suspension arrière conventionnelle à ressorts à lames. Le train arrière est un Salisbury et l’auto est dotée de freins tambours hydrauliques sur les 4 roues.
L’habitacle est très inspiré de la Bentley. Comme sur la Cresta, le siège arrière unique sera rapidement monté transversalement. La sellerie est en cuir Connolly Vaumol. Le dessin, selon les adjoints directs de Jean Daninos, est celui de Jean Daninos lui-même.
Terminée chez Facel à la date théorique du 1er octobre 1953, agréée au service des Mines le 10 août 1954 et immatriculée le 12 août 1954, la voiture est présentée initialement avec une livrée bicolore : caisse clair de lune et toit bleu Brunswick. C’est cette voiture que l’on retrouve à la une de nombreuses revues de l’époque munie d’une plaque Vega 54. Exposée au Salon de Paris en octobre 1954 sous l’appellation Vega 55, elle change à cette occasion de livrée : grise et toit noir. Comme l’indique Jean Daninos, la voiture servira de base de développement aux futurs modèles de la marque qui prendront par la suite l’appellation Vega, ce prototype étant couramment appelé « le Proto Facel » au sein de l’Amicale Facel Vega et par les aficionados de la marque et elle est la seule à arborer un monogramme Facel dans la prise d’air du capot moteur. Dans le cadre de ces évolutions, la voiture, alors la propriété personnelle de Jean Daninos, reçoit un véritable » face lift » avec l’adoption de la face avant si caractéristique des productions Facel, à savoir une paire de phares ronds superposés et une calandre à maillage fin, en remplacement des phares ronds au-dessus de feux rectangulaires et d’une calandre à large grille. Au début des années 60, la voiture est repeinte en noir et dotée d’un intérieur noir, couleur préférée de Jean Daninos. Toutes ces modifications sont bien évidemment réalisées à l’usine dans le cadre des améliorations voulues par Jean Daninos.
L’Amicale Facel Vega indique que ce premier prototype, dénommé dans un but de discrétion « prototype V », est référencé « Proto 1 » dans les livres de production Facel et porte le numéro FV-54-0002. Selon toute vraisemblance, le numéro 001 aurait été attribué au prototype zéro roadster Hotchkiss-Allard.
« Ces essais auxquels je présidais presque toujours furent effectues, la plupart du temps en pleine nuit, dans la région parisienne et en Eure-et-Loir. Nous avions deux circuits : Bievres – Limours – Chartres – Bièvres, et Colombes – Chartres – Dreux – Colombes. Deux essayeurs, Léon Gastaldi (ex Bentley-France) et Robert Lemoine se relayaient.
Cette voiture, qui fit l’objet de plusieurs prototypes de carrosserie, fut terminée en fin 1952 et subit toute une série d’essais très complète pendant une année entière, dans les régions décrites ci-dessus.
Ce prototype, très discrètement habille, calandre et capot noir mat, parcourut sous cette forme environ 130,000 kilomètres et fut l’objet de modifications et d’améliorations constantes pendant tous ces essais. Ce même prototype fut enfin envoyé aux États-Unis en 1953, ou il subit une série d’essais divers pendant 90 jours chez Chrysler, à Detroit. C’est après avoir reçu toutes les suggestions et commentaires du bureau d’études de Chrysler que la décision de mise en fabrication fut prise.
Les voitures de production qui suivirent le prototype se différencient de celui-ci uniquement par leur longueur, l’empattement ayant été augmente de 120 mm des la voiture de production n° 1. Toutes les autres caractéristiques étaient conformes au prototype.
Après avoir amélioré a peu prés tout ce qu’il était possible de modifier, c’est-a-dire pont arrière, suspension avant, suspension arrière, amortisseurs, système de freinage, centrage et direction, et après 130 000 km, nous avions une idée exacte de ce que serait la Facel-Vega et nous mettions en œuvre les outillages pour sa fabrication.
Le prototype qui nous avait ete retourne, approuve, poursuivit entre nos mains une autre série d’essais, parallèlement au prototype définitif » FV « , qui représentait déjà la Facel-Vega n° 1 de production. »
Ce véhicule unique et historique est doté de son châssis et de sa carrosserie d’origine, dont les traits stylistiques fixèrent à jamais l’image des futures Facel Vega. Elle reçut de ce fait tous les équipements que l’on retrouva sur les Facel produites ultérieurement et même plus ! Le degré de finition est exceptionnel et l’assemblage de ce prototype a été réalisé avec le plus grand soin. Aujourd’hui encore on ne peut qu’être admiratif du travail réalisé à l’époque, entièrement à la main. La voiture possède une carrosserie unique, et même si l’on retrouve le style général des Facel Vega à venir, de nombreux détails hors-série lui sont propres. On peut citer :
- Un châssis à empattement court (2510 mm au lieu de 2630 mm) qui donne cette allure racée et dynamique au profil.
- Un couvercle de malle arrière qui descend jusqu’au pare-choc et un système d’ouverture totalement spécifique permettant de cacher les joints de carrosserie sous la lunette arrière.
- A l’intérieur, l’habitacle reçoit sur tout son pourtour une ceinture de tôle peinte façon bois comme sur les Bentley Cresta et plusieurs années plus tard sur les Facel FV2
- Un nécessaire de coiffure et flacon à parfum est situé dans la porte avant droite, un allume cigare dans chaque accoudoir de porte, deux petites trousses à outils derrière les sièges avant.
- Une place arrière transversale, châssis court oblige, qui peut être aménagée pour recevoir des bagages supplémentaires.
L’auto dispose de sa boîte de vitesses, de son pont rigide Salisbury d’origine et de son moteur d’origine, livré à l’époque par le groupe Chrysler (V8 DeSoto Firedome).
Vendue 500 000 € en 2016.
Conception à l’usine Facel de Courbevoie et présentation à la presse en juin 1954 :
Présentation sur le stand du Salon de Paris, au Grand Palais en Octobre 1954 :