Destinée à remplacer la 356 vieillissante, la 911 est entrée en production en 1964. Elle était plus sportive que son ainée mais n’était disponible qu’en coupé. Ce qui s’est révélé être un problème pour le très important marché américain où les 356 cabriolets se sont vendus comme des petits pains.

Porsche a donc décidé de continuer à construire la 356 pendant l’année 1965 afin de répondre à la demande. Entre-temps, le constructeur a chargé Karmann de convertir une 911 en cabriolet. Après quelques mois, la voiture était prête, mais des tests approfondis ont révélé que la rigidité en torsion du châssis était loin d’être d’un niveau acceptable. Un compromis a finalement été trouvé et le premier prototype Targa est ensuite présenté au salon de Francfort en septembre 1965 et entre en production à partir de décembre 1966. Mais pendant les 14 mois qui se sont écoulés depuis l’arrêt de la production de de la 356 en septembre 1965, Porsche n’a pu présenté aucun cabriolet à ses clients.

John von Neumann, le distributeur californien de Porsche, voulait une 911 décapotable à offrir à ses clients, et quelques jours seulement après la présentation du prototype 911 Targa, il se rend en Italie où il commande un prototype 911 Roadster à la Carrozzeria Bertone.

Au début des années 1950, von Neumann se fait un nom en vendant un grand nombre de Porsche en Californie. Il a également joué un rôle déterminant dans la création de la 356 Speedster. Même si l’importateur new-yorkais Max Hoffman a présenté l’idée à Porsche, ce sont les commentaires que von Neumann a recueillis auprès de ses clients qui ont conduit à sa conception finale.

Ferry Porsche et son directeur des ventes, Harald Wagner, peu enthousiasmes quant à la proposition, ont malgré tout donné le feu vert à von Neumann pour produire un concept-car, et lui vendent le châssis 13421 nu, tout exprimant leur réserves et préoccupation concernant la configuration et sur le fait que la rigidité structurelle allait inévitablement être compromise et exigeait d’avoir le dernier mot sur une éventuelle production d’une 911 Spyder construite directement à Zuffenhausen.

John von Neumann rencontre Nuccio Bertone et tous deux s’entendent sur un design et après avoir reçu un châssis nu de Porsche, les ingénieurs de Bertone se mettent au travail.

Le 911 Spyder a été achevée quelques heures seulement avant son expédition à Genève. Fini en bordeaux métallisé, il a été révélé sur le stand Bertone au Salon de Genève 1966. Bien qu’ils aient eu moins de 5 mois pour achever le projet, les Italiens ont réussi à le faire sans faute. La qualité de construction était impressionnante et à l’exception du toit pliable, tout était entièrement fonctionnel.

 

Plus bas, plus court et plus large, le Spyder ne ressemblait en rien à la 911 standard. À l’avant, deux phares de chaque côté étaient montés dans une ouverture pleine largeur et dissimulés derrière des couvercles à lattes rétractables. Un effet similaire a ensuite été adopté pour l’Alfa Romeo Montréal et la Lamborghini Jarama.. Idem pour les feux arrière incorporés dans les minces pare-chocs enveloppants et recouverts de grilles.

L’intérieur a également été entièrement repensé. Il comprenait un tableau de bord à profil bas avec des jauges qui ont été déplacées sur le côté droit du conducteur, derrière le volant standard à quatre branches en bois de la 911 . Le compteur de vitesse et le compte-tours sont restés sur le tableau de bord, tandis que les jauges de pression d’huile et de carburant se trouvaient à l’intérieur d’une console centrale orientée vers le conducteur.

Garnis de cuir beige comme le reste de l’habitacle, les sièges avant ont été repensés de toutes pièces. La banquette arrière a été retirée pour faire place à la capote pliable, mais comme la voiture devait être prête pour le Salon de l’automobile de Genève en mars 1966, les carrossiers n’ont pas eu le temps d’en concevoir une. Ainsi et contrairement à la 911 d’usine, le roadster de Bertone Roadster était une stricte biplace.

Initialement propulsé par le flat-six de 1 991 cc et 130 ch refroidi par air fourni avec le châssis, la voiture a ensuite reçu un nouveau moteur issu d’une 911S pouvant développer 160 ch.

Comme von Neumann l’avait espéré, la voiture a reçu un accueil chaleureux et a suscité quelques intérêts mais sans déclencher de commandes. L’enthousiasme fut loin d’être partagé par Ferry Porsche. Si il a été dit que le patron de Porsche n’a jamais aimé l’idée d’une carrosserie conçue en Italie, c’était sans compter la proximité et la collaboration avec Carlo Abarth, le styliste d’origine autrichienne qui a modifié plusieurs modèles 356 en voitures de course Carrera GTL quelques années auparavant.

La véritable raison pour laquelle la 911 Spyder n’est jamais entrée en production était son prix proposé d’environ 8 000 $ (68 840 $ aujourd’hui). Aux États-Unis, la Targa se vendait 6 170 $ (53 093 $ aujourd’hui), donc même s’il ne s’agissait pas d’un véritable cabriolet, la Porsche à toit ouvertétait près de 30% moins cher, une différence jugée difficile à justifier, même pour les riches passionnés de Porsche de Californie. De plus, la carrosserie conçue par Bertone n’avait rien de commun avec la 911, qui aurait nécessité une nouvelle plaque signalétique ainsi qu’une stratégie marketing distincte.

John von Neumann a dû se résigner et admettre que la Porsche 911 Targa récemment dévoilée était un choix plus pratique et plus économique pour la production en série. Aucun autre modèle du Spyder n’a été produit.

Ayant financé entièrement cette voiture, John von Neumann l’a ensuite exportée aux États-Unis et l’a gardée pendant plusieurs années. En 1967, John von Neumann a changé le moteur Flat 6 de 2.0 litres développant 130 ch d’origine par un moteur de 2,0 litres offrant 170 ch (moteur n°960340), provenant de la Porsche 911 S. Les jantes Campagnolo d’origine ont été remplacées par des jantes Mahle « Gas-burner » de Porsche 914/6 .

Bien qu’elle ne soit jamais entrée en production, l’exquise 911 Spyder de Bertone est une combinaison rare et intrigante entre le design italien et l’ingénierie allemande.

Cette auto unique a été vendue 1 430 000 $ en 2018.