La Grégoire Sport est le dernier modèle conçu et produit par l’ingénieur Jean-Albert Grégoire, dans les ateliers Tracta d’Asnières-sur-Seine en juin 1958, soit peu avant l’annonce de la cessation de cette activité quelques mois plus tard. Produite en quatre exemplaires plus un prototype (cinq cabriolets et un unique coupé), dessinée par Carlo Delaisse, la carrosserie était fabriquée par du carrossier Henri Chapron. Cette auto représente un concentré des qualités et des défauts propres à la réalisation de (très) petites séries par un créateur aussi indépendant qu’ambitieux.

Jean-Albert Grégoire

Technologiquement hypersophistiqué, cette auto est aussi une voiture rare. Elle n’a été construite qu’à quatre exemplaires… Techniquement avancée, la Grégoire sport est cabriolet trois places, pouvant atteindre 175 km/h, équipé du moteur 4 cylindres 2 188 cc de la société française Hotchkiss-Grégoire, suralimenté par un compresseur « Constantin », d’une puissance de 125 ch à 4 500 tr/min. Elle a été présentée début janvier 1956, au musée Henry Ford de Dearborn (États-Unis), par Grégoire. Elle reprend les principes de la berline (traction avant, suspension à roues indépendantes et flexibilité variable, structure coulée en alliage léger Alpax, joints homocinétiques « Tracta »), mais abandonnant toute recherche aérodynamique, elle était doté de freins assistés, à disques à l’avant, et de roues à rayons « Robergel».
Après avoir mis au point le joint homocinétique, Jean-Albert Grégoire fonde la marque Tracta. Quelque peu amer après l’insuccès rencontré par son Hotchkiss Grégoire, il décide en 1955 de construire sa propre voiture de sport. Elle sera conçue et fabriquée (pour la mécanique) dans les ateliers Tracta.marquable, elle sera condamnée par un prix exorbitant, conséquence des coûts de fabrication liés à sa conception et de sa diffusion confidentielle. Fille de l’ingénieur Quoirez, ami personnel d’Albert Grégoire, Françoise Sagan a pourtant prêté son concours au lancement de la voiture…
Grégoire nourrit des ambitions américaines pour sa nouveau-née. Invité à l’International Sports Car Show organisé en janvier 1956 dans le musée Ford de Dearborn, la voiture y sera révélée en première mondiale. Mais le prototype est accidenté peu avant le départ pour les Etats-Unis. Il sera finalement réparé en urgence par Chapron et pourra prendre le chemin de Detroit. Pour autant, les espoirs de l’ingénieur seront déçus, car la voiture est technologiquement complexe, donc difficile et chère à entretenir. Elle n’est pas adaptée au marché d’outre-Atlantique. Ce n’est pas non plus une 300 SL… De plus, Jean-Albert Grégoire aura un comportement assez maladroit à l’égard des Américains, qu’il prendra un peu de haut.
Le dessin du cabriolet est dû à Carlo Delaisse et la construction est assurée par Chapron. La carrosserie est réalisée en acier avec les ouvrants en aluminium. La voiture reçoit des roues Robergel à rayons. Outre le prototype réalisé en 1955, quatre exemplaires seulement seront construits, dont un seul coupé. L’un sera d’ailleurs la voiture personnelle d’Albert Grégoire. Il est à noter que les cinq véhicules ont traversé le temps et ses vicissitudes.
La Grégoire Sport est naturellement une traction avant dotée de joints homocinétiques Tracta. Elle reçoit le moteur de l’Hotchkiss Grégoire, un quatre cylindres à plat à soupapes en tête de 2,2 litres installé en porte-à-faux avant. Alimentée par un carburateur double corps Solex et boostée par un compresseur Constantin monté pour en augmenter la puissance et améliorer le couple, cette mécanique développe la belle puissance pour l’époque de 125 ch à 4500 tr/mn. Ainsi gréée, la Grégoire file à 175 km/h. La boîte de vitesses possède quatre rapports.
Jean-Albert Grégoire fut l’un des inventeurs indépendants les plus prolifiques de l’histoire de l’automobile française, certaines de ses innovations le rendant même présent sur tous les continents par le biais de licences cédées, en particulier, à de grandes marques américaines.

Il est l’un des « pères » de la traction avant et son aventure dans l’automobile commence avec le joint « Tracta », un double cardan sphérique breveté le 8 décembre 1926 et baptisé pour la première fois « homocinétique ». Pour en faire la publicité, Jean-Albert Grégoire engage et pilote ses propres voitures à traction avant au cours de quatre éditions de suite des 24 Heures du Mans. En 1932, il en cède une licence à la puissante firme Bendix, ouvrant à Tracta un immense boulevard de diffusion, d’autant plus que se profile l’effort de guerre des Alliés avec l’installation du fameux joint sur tous les véhicules militaires américains 4×4, dont la Jeep de chez Willys.