Présentée à Paris en 1951, la Pegaso Z-102 fut la vedette du salon. Première nouvelle voiture espagnole de l’après-guerre, la Pegaso (Pégase) était globalement une voiture de compétition conçue pour un usage routier. Le cœur de cette gran turismo exotique était un V8 à quatre arbres à cames de 2,5 litres, premier moteur de ce type sur une voiture de série (Ferrari n’offrirait pas un moteur à quatre arbres à cames avant 13 ans). D’une technologie dernier cri, le V8 en alliage de Pegaso faisait appel à des soupapes d’échappement au sodium (pour un meilleur refroidissement), à des pistons en aluminium forgés et à une lubrification par carter sec, tous typiques d’une voiture de compétition.

Peut-être conçu avec le nouveau règlement de Formule 1 pour les moteurs de 2,5 litres en tête, le V8 Pegaso faisait appel à des cotes d’alésage/course supercarrées de 75×70 mm pour une cylindrée de 2 475 cc et développait une puissance maximale de 165 ch à 6 500 tr/min. Le 2,5 litres des prototypes céda rapidement la place à une version 2,8 litres à alésage de 80 mm, puis finalement à une mouture 3,2 litres de 85 mm d’alésage, la plus grosse cylindrée du moteur Z-102. Les panneaux emboutis soudés étaient utilisés pour la robuste carrosserie autoporteuse de la Z-102 et les autres caractéristiques étaient une suspension avant indépendante par doubles triangles, des barres de torsion aux quatre roues, une boîte transaxle à cinq rapports, un essieu arrière De Dion, des freins à tambour inboard à l’arrière et une colonne de direction télescopique réglable.

Construite par l’usine nationalisée ENASA (Empresa Nacional de Autocamiones SA), par ailleurs constructeur de véhicules commerciaux à moteur diesel, la Pegaso était l’œuvre de l’ingénieur barcelonais, Wilfredo Ricart, qui avait été chargé de la réorganisation de l’industrie automobile espagnole de l’après-guerre. Ricart avait déjà été responsable des automobiles Ricart-Pérez et Ricart-España dans les années 1920 et son expérience automobile incluait également une courte période chez Alfa Romeo, pour qui il avait conçu la fabuleuse bimoteur Tipo 512 de Grand Prix en 1940. Compte tenu de la récente expérience de Ricart, il n’est après tout pas surprenant que la Pegaso ait des caractéristiques aussi en avance sur ses contemporaines. Le magazine français L’Automobile décrivait la Pegaso comme « le le joyau le plus pur de la mécanique automobile », tandis qu’en Angleterre, Motor Sport la tenait pour « une nouvelle production espagnole qui menace les constructeurs de sportives les plus en vue ».

Les prototypes et les voiture de pré-production Z-102 étaient conçus et construits entièrement en interne, y compris les caisses, mais Ricart voulait les meilleures carrosseries pour ses voitures et commanda des dessins à Saoutchik à Paris, à la carrozzeria Touring à Milan et à Serra à Barcelone. Les coupés à carrosseries Superleggera de Touring restent les plus élégants et les plus stylés de toutes les Pegaso de série et font indéniablement partie des plus belles GT de l’époque. Elles étaient aussi les plus chères, vendues en nombre limité aux plus riches gentlemen drivers. Des chefs d’état, comme le Shah d’Iran, le président du Portugal Craveiro Lopes et le général Trujillo de la République Dominicaine étaient tous propriétaire de Pegaso. Les options les plus extravagantes étaient possibles, comme des sièges en peau de léopard ou des manettes en or, commandés par le baron von Thyssen.

Pourtant les Pegaso n’étaient pas que des jouets pour riches, deux spyders Touring furent engagés aux 24 Heures du Mans 1953 et un autre à la Carrera PanAmericana en 1954. En 1953, une Pegaso à compresseur avait établi un nouveau record de vitesse pour voiture de série à Jabbeke en Belgique, où le pilote d’usine Celso Fernández atteignit la vitesse de 241,602 km/h sur le mile lancé, battant le record détenu par une Jaguar XK120.

Cette voiture fut d’abord la propriété d’Antonio Hesse López, qui la conserva jusqu’en 1984. Restaurée cette année-là, la Pegaso passa alors (à partir de novembre 1984) aux mains d’Enrique Coma Cros, un des plus importants collectionneurs et historiens de Pegaso. Il est le co-auteur (avec Carlos Mosquera) de deux livres sur la marque: Ricart Pegaso – La Pasion del Automovil et Los Automòviles Pegaso y sus Protagonistas. La voiture est mentionnée dans les deux ouvrages.

Cette auto (châssis 0102-153-0171)a été adjugé 713 000 € en 2020 à Paris.